Natasha Kanapé Fontaine, J’achève mon exil pour un retour tremblant. Par Ricardo Langlois
C’est avec ce premier recueil, publié sous le titre « N’entre pas dans ton âme avec tes chaussures » (Mémoire d’encrier, 2012 ) que Natasha Kanapé Fontaine arrive dans le merveilleux monde de la poésie. Son premier recueil réédité sous un nouveau titre est un livre majeur. Écrit à l’âge de 21 ans seulement, ce livre est pour moi un livre de méditations.
Les origines
On peut faire abstraction du passé, de notre histoire, de nos origines, cette poétesse se tient loin de la modernité, elle évoque la grandeur d’un peuple oublié.
« J’ai perdu mon nord. La boussole blanche s’est cassée.
Je marche par des détours, en attendant de fuir. Inerties.
Bienvenue dans mon corps fatigué,
Affamé d’un monde parallèle. » (…) ( p. 10)
J’ai eu l’impression de découvrir un monde que j’ignorais. Je suis tombé d’une autre galaxie sûrement. J’explore ce monde parallèle. Suis-je le seul à entendre cette plainte comme un extra-terrestre? Je découvre un vrai voyage intérieur.
« Le parfum des brasiers
Enlace mon vêtement
Incendiaire
Matshiteu
Il mène à la barre du jour
La brise perdue
Immensité ivre
L’hiver fumé
Je repars. » (p. 27 )
La vraie vie?
Je me rappelle, seul dans le bois de Saint-André d’Argenteuil, à couper du bois, à entendre le chant des oiseaux. Je suis dans la nuit éternelle. (Robert Lalonde ). L’effondrement des murs, l’exploration de l’inconnu, les chamans-nuages, mon désir d’aube, et j’écris et je divague et je pense à Joséphine Bacon :
« Je suis la grande lune
Qui traverse le temps
Tourbillon de neige
Je m’affole
Que vive la tradition » (1 )
Ce monde qui s’effrite dans les détails hasardeux (l’intelligence artificielle, la pensée unique, disloquée). Besoin de solitude, de marcher, de retrouver les spectres à travers les temps devenus fous.
« Enfants baignés d’innocence
Plages dévorées de bois blanc sans écorce
Aux coquilles spirituelles répandues à tes soleils
Et tes astres les camps de la maisonnée
Sont les survivants. » (p. 55 )
Je vous entends
Ah! L’insignifiante innocence. Où est le cri de nos ancêtres. Je vous demande pardon au nom de vos communautés. J’entends l’écho de votre voix. Je m’agenouille. Je voudrais que le temps s’arrête pour mieux vous connaître. Vous aimer. Nous appartenons au Cosmos. La vérité est enfin révélée.
« Territoire sans limites
Établies habitons ensemble notre mélancolie
Cassée en oublié désiré refoulé. » (p. 67 )
« Dans la mathématique des émotions humaines, plus rien n’est sûr sur l’avenir collectif. On voudrait arrêter le temps. » (2 ) Le sourire de ma mère. Respirer mieux intérieurement. Votre livre est un petit miracle. Sur le plan émotionnel, c’est la chambre du chroniqueur qui est émerveillé par votre souffle, votre intelligence.
« La chambre me berce
Lueur blanche et perles de nacre
Toi ton corps
Écorce parallèle à l’aurore
L’ile des morts
Où j’échoue
Je m’éprends
Nouveau voyage
Nouveau monde
Vers un autre naufrage tendre. » (p. 68 )
Ce petit recueil a été écrit à 21 ans. Celle qui a étudié en Arts visuels et qui rêvait de devenir peintre. Ce livre est un manuel sur les rouages du passé. Aucune envolée lyrique, inutile. Tout le monde a sa place au soleil. Militante pour les droits autochtones et environnementaux, Natasha Kanapé Fontaine a remporté le Prix de la Société des écrivains francophones d’Amérique.
Notes
Natasha Kanapé Fontaine, « J’achève mon exil pour un retour tremblant »
Vivat Sudbury 2021